[Lettre ouverte] Aux petits entrepreneurs du Projet 244

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Lettre ouverte aux petits
entrepreneurs tourangeaux de la culture et à ceux du Projet 244
en particulier

(en réponse au communiqué de presse : « les artistes du projet 244 se
rebiffent », diffusé ici http://demainlegrandsoir.org/spip.php?article1053oulà
http://nantes.indymedia.org/ article/26799)

Certes vous n’avez pas aussi bien réussi que vos aînés, mais la petite
place que vous vous êtes faite au soleil de notre petite ville de province
(bientôt sous le 37ème parallèle pour les meilleurs navigateurs) vous
suffit déjà pour vous y accrocher becs et ongles, quitte à montrer les
dents la menace se faisant.

Cette place, vous vous l’êtes faite à force d’ambition personnelle, de
petites trahisons et de connivences, comme tant d’autres petits
entrepreneurs qui réussissent. Dans votre cas, la subtilité réside sur le
fait que cette « réussite » repose sur l’exploitation
d’effectifs plus ou moins important de bénévoles, moins dotés en
capital (social, culturel, économique…) ou tout simplement plus
désintéressés (« nos bénévoles » comme l’écrit si spontanément un certain
Matthias dans une lettre publique).

Quelle plus belle parabole du capitalisme moderne ? Drapé dans les draps
de l’alternative culturelle, je m’enrichis personnellement de
l’exploitation du travail non rémunéré d’autrui.Hélas, cette réalité est
déjà bien documentée sur Tours (voir notamment le dossier que feu le
Canard du coin avait consacré en 2007 à « La guinguette de Tours sur Loire» et
l’association « le petit monde », adossé à une entreprise privée ; mais
également de nombreux autres exemples comme la reprise en main du Carnaval
de Tours ou l’histoire de Rayon Frais).

Vous revendiquez alors votre rôle actif dans l’économie locale (votre
association alternative représenterait, selon vos propres dires, « une
vraie dynamique culturelle pour notre territoire ») au même titre que les
acteurs du bâtiment ou du tourisme. Et vous vous désolez que d’autres,
arriérés militants ou activistes (en effet, à quoi bon lutter, alors qu’on
peut en faire des spectacles qui rapportent ?), prennent en otage votre si
bel outil de production (une friche industrielle mise à votre disposition
par la municipalité).

Certes, jamais en plus de 15 ans d’existence, ce lieu n’a pu constituer un
lieu de base ou de repli pour aucun des mouvements sociaux qui se sont
déroulés sur Tours, et alors que de tels lieux ont toujours fait
cruellement défaut. Ce simple bilan en dit long sur l’implication de votre collectif
d’artistes dans la vie politique et sociale locale.

Mais le plus intriguant reste sans doute qu’après plus de 15 ans de
pratiques « alternatives » dans votre « laboratoire des arts de la rue »,
de « création pluridisciplinaire », etc., vous teniez aussi spontanément des
discours réactionnaires, colportiez les mêmes images que le discours
dominant le plus crasseux (des oisifs chômeurs nuisant tant aux actifs
entreprenants qu’aux vrais pauvres – comprendre « ceux qui ferment leur
gueule ») et reproduisez les mêmes méthodes de division pour asseoir votre
si maigre pouvoir, tant au niveau idéologique (les chefs rémunérés
dressant la masse de bénévole contre les agitateurs extrémistes
irresponsables) que pratique (revendiquer de couper l’alimentation
électrique d’une maison d’habitation, comme d’autres cassent
les piquets de grève).

Comme vous l’aurez compris, tout acrobate que vous êtes, vous ne pouvez à
la fois revendiquez pleinement votre rôle de développeurs locaux de
l’industrie culturelle et votre appartenance à une véritable alternative
politique, quelque qu’elle soit (au système capitaliste, à l’art
subventionné, à la société industrielle).

« Sur une barricade, il n’y a que deux côtés. »

Vos récentes prises de position comme vos pratiques montrent à tous vos
ambitions à réussir dans vos petites entreprises culturelles, ambitions
que tous les tenants de l’ordre et de la croissance (que vous prenez à
partie et dont vous cherchez le soutien) reconnaîtrons légitimes. Elles
nous rappellent également que le secteur culturel « alternatif », ses
artistes et ses salariés associatifs, en tant qu’avant-garde du
capitalisme moderne, ne propose évidemment aucune rupture mais
constitue bel et bien un pilier pour la pacification sociale et la
perpétuation du vieux monde. Les élites économiques et politiques
de tous bords qui vous ont toujours soutenus et continuent à vous
soutenir ne s’y sont jamais trompés.

Des individus soutenant les
squatteurs de la maison Thanks For The Future

lettre ouverte P244

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