« On va clairement vers une situation d’exclusion »


« Les temps vont être durs pour des raisons budgétaires et sociales,
confirme-t-on au cabinet de Cécile Duflot. On va clairement vers une
situation d’exclusion…… »

L’hébergement d’urgence victime de l’austérité
PAR ELLEN SALVI
ARTICLE PUBLIÉ LE VENDREDI 6 JUILLET 2012 (Mediapart)

Cécile Duflot l’avait promis en arrivant à la tête du
ministère de l’égalité des territoires et du logement.
En prolongeant le dispositif hivernal, qui permet
chaque année de mobiliser jusqu’à 19 000 places
supplémentaires d’hébergement d’urgence pour les
SDF, la ministre souhaitait « faire en sorte que d’ici
au 31 mai (…) on ne mette plus personne à la rue ».
C’est raté.

Le 27 juin, la direction générale de la cohésion
sociale (DGCS) a adressé un courrier aux préfets
pour leur demander de bien vouloir organiser la
fermeture des centres d’accueil hivernal, à compter
du 1er juillet. Seuls trois centres restent ouverts en
région parisienne, soit quelques centaines de places.
On est loin, très loin, des 10 000 à 12 000 places que
la Fédération nationale des associations d’accueil
et de réinsertion sociale (Fnars) recommandait de
pérenniser après avoir enquêté, à la demande de Cécile
Duflot, auprès des 115 de France.

« Notre étude a été rangée dans un tiroir pour
l’instant, regrette le directeur général de la Fnars,
Matthieu Angotti.  Nous sommes déçus, mais cette
déception n’est pas liée directement à la ministre
qui s’est battue pour obtenir les arbitrages. » Les
associations, qui ont appris la fermeture des centres
d’hébergement par voie de presse, étaient jusqu’alors
remontées contre ce qu’elles ont perçu comme un
manque criant de transparence.

En recevant, le jeudi 5 juillet,  le collectif des
associations unies, qui rassemble 33 associations qui
luttent contre le mal-logement, Cécile Duflot s’est
excusée pour ce couac de communication. « Elle nous
a bien dit qu’il s’agissait d’une erreur et qu’elle
avait été prise de court, explique Christophe Louis du
collectif Les Morts de la rue. Dont acte. Maintenant,
j’attends de voir la suite des événements. »

Pour le reste, la ministre « a été très transparente »,
affirme de son côté le directeur général de la Fnars :
« Elle n’a pas obtenu les financements nécessaires
au maintien des places (environ 10 millions d’euros
avaient été demandés – ndlr). On était visiblement
dans une séquence où aucun ministère n’a obtenu ce
qu’il souhaitait. » « Les temps vont être durs pour
des raisons budgétaires et sociales, confirme-t-on au
cabinet de Cécile Duflot. On va clairement vers une
situation d’exclusion. Nous souhaitons travailler avec
tous ces paramètres pour desserrer l’étau. »

Austérité oblige, la lutte contre l’exclusion et la grande
pauvreté est donc renvoyée à plus tard. Souhaitant
revenir à la rentrée avec un argumentaire béton, la
ministre du logement a confié  une mission à la
délégation interministérielle pour l’hébergement et
l’accès au logement des personnes sans-abri ou mal-
logées (DIHAL) et promis aux associations un plan
quinquennal pour répondre aux besoins tout au long
de l’année.

« La ministre n’a pas trop de billes pour
l’instant »
Dans un courrier adressé le 5 juillet au préfet
Alain Régnier, qui dirige la DIHAL, Cécile Duflot
donne un mois à ce dernier pour lui faire des
propositions sur les modalités d’organisation d’une
concertation avec le secteur associatif, les bailleurs
sociaux et les collectivités. La ministre y souligne
également la nécessité de mettre l’accent sur l’Ile-de-
France, où la situation est particulièrement tendue, en
élaborant des mesures prioritaires qui permettront en
outre de renforcer les services intégrés d’accueil et
d’orientation (SIAO) et de proposer  « des réponses
spécifiques pour les jeunes les plus fragiles ».

Le collectif des associations unies a d’ores et déjà
rendez-vous avec le préfet Régnier le 12 juillet.
L’objectif affiché du plan quinquennal étant de
mettre un terme définitif à la gestion saisonnière de
l’hébergement d’urgence, une promesse de campagne
de François Hollande. « Ça ne se fera certainement pas
dès cet automne, indique l’entourage de Cécile Duflot.
Mais nous voudrions avoir mis tout à plat dans les 18
mois qui viennent. »

« C’est déjà un bon début, souligne le directeur général
adjoint de  la Fondation Abbé Pierre, Christophe
Robert. Mais il y a des urgences qu’il faut régler sur-
le-champ : les expulsions, notamment celles des DALO
(personnes concernées par  le droit au logement
opposable � ndlr) qui se poursuivent, les bidonvilles,
les squats… »

Confiant sur la détermination de Cécile Duflot, le
collectif des associations unies fait toutefois part
de son inquiétude quant à la faiblesse des marges
de manœuvre budgétaires liées à la politique de
l’hébergement d’urgence et du logement.  « La
ministre n’a pas trop de billes pour l’instant, indique
Christophe Louis des Morts de la rue.  Il faut qu’on
arrive à faire sauter le verrou Bercy. C’est la même
chose pour Alain Régnier : il faudrait qu’il soit
soutenu par le premier ministre et pas seulement par
Cécile Duflot, pour avoir une véritable gouvernance
qui lui permettra de faire des arbitrages. »

« On craint  de se retrouver, comme avant, avec un
ministère qui n’a pas de poids », poursuit Matthieu
Angotti de la Fnars.  Nous ne voulons pas entrer
dans une logique conflictuelle, mais nous ne pouvons
que constater que la situation est paradoxale : il
y a d’un côté un discours sur la lutte contre la
grande exclusion, réaffirmé par (le premier ministre)
Jean-Marc Ayrault lors de son discours de politique
générale ; de l’autre, une rigueur budgétaire qui
freine tout. »
« C’est une première alerte pour nous,
estime de son côté Christophe Robert. Il y a clairement
une différence entre les discours et les faits. Nous
serons très vigilants là-dessus. »

Les représentants associatifs ont profité de leur
rencontre de jeudi pour alerter la ministre sur le risque
encouru dès cet été : « On lui a dit que ça allait être
compliqué, conclut M. Angotti. On ne peut pas exclure
une mobilisation comme celle de l’année dernière. »

En août 2011, deux semaines après  la démission
du président et fondateur du Samu social, Xavier
Emmanuelli, des professionnels de l’urgence sociale
s’étaient mis en grève pour dénoncer les restrictions
budgétaires décidées par l’État et la méthode du
gouvernement Fillon pour réformer le secteur.

A propos mediatours

Blog d'informations sur la ville de Tours et ses environs
Ce contenu a été publié dans Liberté de circulation, Logement / Squat. Vous pouvez le mettre en favoris avec ce permalien.