Une mort de plus. Au cours des premières heures du samedi 7 juillet 2012,
notre ami N. 28 ans, originaire du Soudan, est mort dans le centre ville
de Calais. Son corps a été sorti du canal à proximité de la
sous-préfecture. Comme souvent, la police a refusé catégoriquement à la
famille et aux proches l’accès au corps, et de rechercher les causes de la
mort. Elle avait déjà une histoire à raconter, qui tombe en morceaux à
mesure que les informations arrivent.
Pas que ça ait forcément un rapport avec la vérité, mais voici la version
officielle : N a volé un téléphone dans le centre ville, il est pourchassé
par un ami de la « victime », et, d’une manière ou d’une autre en arrive à
tomber ou à sauter dans le canal, où il se noie. Apparemment il n’y a pas
besoin de faire une autopsie ou une enquête. Pas besoin d’expliquer les
mouvements de police cette nuit-là juste avant que N meure. Pas besoin
d’attendre une preuve du fait qu’il ait volé quoi que ce soit. Cette
histoire est sortie tout droit des bouches policières pour arriver sans
plus d’investigation dans le journal-perroquet de caniveau et de haine « La
Voix du Nord ». Un migrant. Un noir. Un voleur. Un accident, peut-être même
une mort bien méritée.
Les ami-es de N, et les témoins, ont une version différente. Nous ne
pouvons pour le moment en dire plus sur ce qui s’est réellement passé,
mais nous le ferons très bientôt. Ce matin (lundi 9 juillet 2012) environ
40 personnes ont manifesté devant le poste de police à Calais. N était
très apprécié. Nous espérons écrire davantage sur sa vie également, dans
le respect de sa famille et de ses proches. Nous ne laisserons pas oublier
sa mort.
Que les autorités étatiques et les médias complices des morts à Calais
étouffent l’affaire est habituel. Rien que pour donner un exemple récent,
le 22 décembre 2011, un autre ami, Ismaël, était retrouvé mort en bas d’un
pont dans le centre de Calais. La police avait immédiatement clos
l’affaire, concluant à un suicide. Elle avait refusé que ses ami-es voient
ou identifient le corps, et avait refusé de pratiquer une autopsie. Les
ami-es d’Ismaël sont allé-es deux fois au poste de police demander à voir
son corps et les deux fois avaient essuyé un refus et reçu des menaces
d’arrestation de la part de la police aux frontières (PAF) s’illes ne
partaient pas. Seul un ami, Français et blanc, a eu le droit d’entrer pour
l’identifier. Il n’y a pas eu plus d’investigation.
La frontière tue. Nous ne savons pas comment Ismaël est mort. Nous avons
vu maintes fois la police chasser les migrant-es des ponts vers les
canaux, vers le port. Les balles et les bâtons ne sont pas les seuls
moyens de tuer les gens. Une chute d’un pont peut tout aussi bien tuer.
Les coups répétés et la faim peuvent tout aussi bien tuer. Les années de
peur et de frustration et d’humiliation peuvent tout aussi bien tuer. Ce
sont ces morts qui gardent à l’abri des étrangèr-es le butin pillé par
l’Europe.
Ni Oubli. Ni Pardon. (Don’t forget. Don’t forgive.)
calaismigrantsolidarity.wordpress.com