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Décidément… ça ne s’arrange pas à Radio “Libertaire” et à la Fédération“anarchiste”.
Il y a bientôt 3 ans, la plus “rebelle” des radios nous gratifiait déjà d’un étrange
spectacle radiophonique teinté racisme et de banalisation de thèses fascisantes à
propos d’Islam (un autre sujet sur lequel la F.”A”
n’est franchement pas non plus très à l’aise – genre on aime pas “la
religion, mais surtout celle qui vient d’ailleurs”). Cette fois, c’est
au tour de l’émission traitant de véganisme et d’antispécisme “Le Vivre Ensemble”
d’être supprimée purement et simplement de l’antenne pour “propagande
antispéciste”, en gros (le communiqué des gens qui animaient cette
émission est lisible ici
– malgré quelques errances et un texte long, il a le mérite de
contrecarrer avec relativement d’argumentaire les tribulations de leurs
censeurs).
A la F.A et chez les “anti-autoritaires” assimilés, la chasse aux
véganEs continue donc. L’occasion pour nous de revenir sur cette
nouvelle lubie militante et d’en toucher quelques mots aux concernés.
L’été dernier (Aout 2012), c’est à une scène de lynchage collectif de
végan-e-s et végétarien-ne-s qu’ont pu assister les gens qui se sont
rendus aux “rencontres internationales de l’anarchisme” organisées
par l’I.F.A à Saint Imier en Suisse. En effet après que plusieurs
anarchistes véganEs se soient opposées à la tenue d’un barbecue payant
en plein milieu de la cour où les cantines préparaient et servaient
leurs repas. Plusieurs militants se sont alors littéralement sentis
pousser des couilles. Il faut savoir que les cantines étaient également
entièrement végétaliennes et à prix libre (tant qu’on reste dans les
cuisines et qu’on la ferme : “tout va bien”). Cet épisode d’une
violence assez inattendue a donc été l’occasion de jet de canettes, de
coups, d’insultes notamment sexistes, de menace de morts, etc…
Les Panthères Enragées, un collectif vegan et anti-autoritaire, raconte dans son
récit les évènements :
A ce moment là, la tournure des évènement est devenue
assez « folklorique », et nous avons subi une série de violences :
L’homme du barbecue à pris sa spatule pour brûler un camarade, il en a
mordu un autre, des gens ont aspergé de vins des militant-e-s, un homme a
tenté de nous frapper, d’autres nous ont giflé, poussé. On nous a
traité de fachos, nazis, islamistes, on nous a demandé qui était le
responsable de tout ça, certains se sont offusqués de voir une telle
action directe dans un rassemblement anarchiste. (« Ils font ça ici
!!?? »). Quelques sympatisant-e-s dont des copines féministes (non
veganes) sont venus tenter de nous défendre, aidés d’autres personnes,
et ont fait spontanément le lien avec le combat féministe (« Tous les
combats ont commencés comme ça, le combat féministe aussi ! »). Nous
étions tout autour du barbecue, faisant une chaine humaine, tournés vers
la foule, dont certaines personnes s’étaient rapprochées. Beaucoup
d’entre nous avons eu des débats houleux avec certains, dans une
mauvaise foi et une agressivité impressionnante la plupart du temps.
Déterminés à ne pas en rester là (la lutte contre le véganisme étant
décidément un combat qui demande beaucoup d’entrain militant, d’encre et
de mauvaise foi), les fiers à bras de la F.A et leurs amis (quelques
uns de l’O.C.L, avec qui ce n’était pourtant pas la joie, mais enfin la
haine du végan : ça réconcilie) se sont grassement lâchés sur ces
“emmerdeurs de végans” venus gâcher la petite fête commémorative pour
vieux barbus et jeunes recrues, le tout dans le consensus sur les
“bonnes vieilles traditions”. Notamment, et respectivement dans un
article du “Monde Libertaire” sobrement intitulé “Les animaux, ils sont gentils” et
un encart du “Courant Alternatif” au titre lui aussi ronflant : “La «société anar»,
une Suisse qui mangerait vegan ? Au secours, fuyons !”.
L’article
du M.L est sensiblement plus subtile : il ne critique que
l’antispécisme en se gardant bien d’aborder la question du véganisme
comme partie d’un tout -l’idée de libération totale- et non comme lutte
partielle, et donc aussi de la question de la nature. Aussi, on a droit à
un détournement et une récupération en bonne et due forme de la
critique de l’exploitation animale et de la destruction de la nature qui
pourrait se résumer ainsi ” oui la prédation c’est mal, la surpêche
c’est pas bien, l’épuisement des ressources, la pollution,
l’empoisonnement des terres, mais on veut continuer à manger pareil, ne
pas questionner notre mode de vie… blablabla et le véganisme est une
dérive sectaire”. Des affirmations, des raccourcis, des amalgames, des
généralités suffisantes, du recouvrement du discours, le tout pour assez
peu d’argumentaire. Surtout une ignorance crasse et une mauvaise foi de
militants chevronnés pour justifier les statuts (puisque le véganisme
n’est pas le bienvenu à la F.A, et l’antispécisme simplement interdit.
Oui oui… vous avez bien lu).
Globalement, les deux articles font dans ce qui se fait de mieux en
matière d’antivéganisme primaire : argumentaire réac sur la “liberté de
manger ce qu’on veut”, clichés honteux (“les végans sont une secte, ils
n’ont rien à voir avec l’anarchisme”), victimisation (“ils nous
empêchent de manger de la viande”) et mythomanie compulsive.
Le mensonge, en effet, l’encart du Courant Alternatif en donne un bon
exemple à propos de l’épisode du barbecue mentionné plus haut :
“Bien entendu, la plupart des personnes présentes à
Saint-Imier n’ont pas osé réagir à cette offensive basée sur la
culpabilité […] et le barbecue n’a pas été défendu.”
Ce qui ne colle évidemment pas avec toutes les autres récits de ce
qui s’est passé à ce moment là sur place (et notamment la déclaration
des vegans anarchistes venus interrompre la réunion de clôture des
rencontres)… Mais bref : passons. Après tout le lynchage de végans reste
une “anecdote” dans “la lutte contre le sectarisme” façon anarchisme organisé.
Des mensonges (au moins par omission), il y en a clairement des plus
graves. Notamment concernant Walter Bond, accusé de “faire partie de la
secte des vegans” et d’exemplifier la “dérive”. Pour résumer, Walter
Bond était un anarchiste végan américain qui s’est revendiqué
ouvertement de l’anarchisme et est connu pour son engagement (et son
emprisonnement pour cette raison) dans les mouvements de libération de
la terre, libération animale, écologiste et notamment de l’ALF (front de
libération des animaux). Le problème, c’est que Walter Bond n’est plus
anarchiste et qu’il s’est mis à développer des thèses “pro-vie”
(…surtout pro-mort pour les femmes qui avortent) et anti-avortement qui
sont liées à sa conception du “hardline” plus qu’au véganisme. Il s’est
depuis converti à l’Islam. Le tout depuis qu’il est en prison.
Sans discuter du fond du “cas Walter Bond” (que nous ne pouvons
raisonnablement plus reconnaitre comme un compagnon ou camarade, en
dépit de son engagement d’autre fois et de ses textes passés), il nous
semble élémentaire de rappeler deux choses importantes eu égard des
sous-entendus fait par ces articles. Premièrement, il faut savoir que
les cas de changements brusques de personnalité, de revirements
politiques ou de “révélations mystiques” sont malheureusement assez
fréquents en prison. En outre, et c’est pour nous une évidence : la
prison détruit les individus et abime le corps et l’esprit. C’est une
des raisons principales pour lesquelles nous, anarchistes, sommes contre
toutes les prisons, tout enfermement et tout type de contrôle social.
Sans affirmer que Walter Bond pense ce qu’il pense de ce seul fait (ce
qui serait insultant), ni l’excuser non plus (ce qui serait
complaisant), on se dit qu’on ne peut pas n’envisager qu’une lecture
simpliste de ce qu’est la vie en prison et de l’effet de l’enfermement
sur les êtres. Deuxièmement, il nous parait essentiel de rappeler que de
nombreux camarades et compagnon-e-s (les vegans en tête) se sont élevés
pour dénoncer le fait que des gens comme Walter Bond tiennent des
positions anti-avortement au sein de mouvements révolutionnaires et plus
particulièrement écologistes radicaux. Seulement, la “dérive” en
question a plus à voir avec le mysticisme vitaliste et le naturalisme
abstrait qui gangrènent une partie du mouvement écologiste radical
qu’avec le véganisme à proprement parlé. Mais le problème c’est aussi
que Walter Bond a été soutenu spécifiquement jusqu’à récemment par des
collectifs de l’Anarchist Black Cross (La croix noire anarchiste, qui
soutient les prisonniers anarchistes et anti-autoritaires partout dans
le monde et lutte plus généralement contre toutes les prisons –
collectifs auxquels participent de manière notoire de nombreux membres
des fédérations anarchistes de l’I.F.A). Et ça évidemment,
l’article en question évite soigneusement de le mentionner parce que ça
fait de la question d’individus comme Walter Bond et des positions
qu’ils réussissent à tenir un débat qui concerne tout le mouvement
anarchiste au sens large et même les révolutionnaires en général, et non
seulement “les végans”.
Revenons en donc au fait. Il y a un peu moins d’un mois, après le lynchage d’été et
l’article anti-végan : la F.”A” via Radio “Libertaire” récidive
pour la nouvelle année. C’est donc cette fois ci à une censure en bonne
et due forme à laquelle les gens qui animaient la seule émission
consacrée à l’antispécisme et au véganisme de la bande F.M ont eu
droit. Merci Radio “Libertaire”. La raison ?
La même que celle évoquée plus haut. Les statuts de la fédération
“anarchiste” (plus précisément des “mandats”) interdisent tout
simplement la “propagande antispéciste” auquel est amalgamé tout
discours sur la libération animale assimilée à une forme de
“libéralisme”, qui “nie la lutte des classes”, et “réduit la liberté
jusqu’à vider cette notion de son sens”… (voir les mandats de 1995 extraits des
statuts de la F.A, dans le communiqué de l’émission censurée). Bref, le baratin
habituel…
Mais on en apprend de belles en lisant les statuts ! (avis aux
militants…). Nous qui pensions justement étendre la notion même de lutte
en parlant de libération animale et de donner tout son sens au concept
liberté en pensant et en luttant pour la libération totale sans nier la
question des classes ou les autres luttes (bien au contraire). On avait
donc tout faux ! Le libéralisme n’est pas du coté des gens qui ne
trouvent comme argumentaire que de flasques “je fais ce que je veux”, ou
“j’aime trop la viande” à opposer à la question animale. Il n’est pas
donc pas du coté des gens qui rejettent un anarchisme prétendument
“lifestyle” pour défendre leur mode de vie à la fois si moderne et si
traditionnel, et le “petit commerce” à l’occasion. Le “libéralisme”
serait donc du coté d’individus et de groupes qui luttent pour étendre
les principes d’émancipation, donner tout son sens au concept de liberté
(toute la liberté, et non en inventer une “nouvelle définition
spécifique”), et contre la hiérarchisation des luttes précisément.
Merci les statuts de 1995 !
Plus sérieusement, cet acharnement et cette “chasse aux sorcières” contre les vegans
à la FA et dans l’anarchisme formel
en rappel d’autres, toujours au goût du jour et qui reviennent
régulièrement comme un boomrang. Celle contre les “insurrectionnalistes”
ou les “totos” (“avec qui il faut pas trainer”). Celle contre les
féministes aussi… En bref, contre les anarchistes et anti-autoritaires
qui tentent de porter des discours, des pratiques, et des actes qui
dépassent le cadre militant traditionnel et font déborder le cases
étriquées de l’organisation formelle et sa bureaucratie. Organisation
qui a besoin de cadres plus rigides qu’il n’y paressent, où les
mécanismes de décision collective sont si souvent brouillés, d’un
formalisme administratif virant à l’absurde, d’une cohésion idéologique
(pour ne pas parler de “ligne”) qui supporte mal la pluralité et la
remise en cause, et donc d’irrémédiables ennemis intérieurs et
d’épouvantails militants à chasser pour consolider la structure -souvent
monolithique- du bateau qui n’en finit plus de fuir de partout.
Et ce n’est pas qu’une métaphore. Bien heureusement pour eux et
elles, et à mesure qu’ils et elles se rendent compte qu’on se passe très
biens d’organisations formelles pour s’organiser, de plus en plus de
groupes se dé-fédèrent et d’individuEs désertent ces coquilles vides
devenues des mouroirs et des chapelles aux mains des gardiens du temples
où on cultive l’esprit de secte, la dépression nerveuse et le
conformisme militant le plus stérile, hermétique au renouvellement de la
pensée critique et des pratiques de luttes. Où on cultive aussi une
sorte de “non-violence à géométrie variable” (à part pour le service
d’ordre) qui ne dit pas son nom et exclue systématiquement de leurs
soutiens ceux ou celles qui choisissent des modalités d’action plus
offensives. Actions contre lesquelles on dispense à l’occasion et
régulièrement des communiqués ou des articles moralistes (du moins pour
toute action directe qui se passe à moins de 1000km). En bref, où on
cultive l’image de l’anarchisme respectable : “les anarchistes, ils sont
gentils”.
Ce visage, en dépit de certaines exceptions, est aujourd’hui très
globalement celui de l’anarchisme d’organisation à la française. Celui
qui s’est auto-célébré en Suisse l’été dernier en s’appropriant la
mémoire de l’internationale anti-autoritaire. C’est en tout cas le
visage de ce qui y domine.
Mais nos révoltes, nos luttes et nos vies ne tiennent pas dans leurs statuts…
Quelques anarchistes végans.