[De la ZAD à Cajamarca] De Fillon à Ayrault et d’Alliot-Marie à Valls


Après Notre-Dame-des-Landes, le maintien de l’ordre public français
s’exporte à Cajamarca

A défaut d’exceller dans la mise en œuvre d’une véritable transition
énergétique, la France excelle dans un domaine bien particulier: le
maintien de l’ordre public. Les résistants de Notre-Dame-des-Landes ont pu
le vérifier à leur dépens, eux qui luttent contre un projet climaticide.
Les habitants du Pérou pourraient bientôt tester ce savoir-faire tricolore
dont s�enorgueillissent ceux qui nous gouvernent…Le 5 novembre dernier,
des militaires français spécialistes de l’ordre public se sont envolés de
France en direction de ce pays andin.

Objet de ce voyage ? Former la police péruvienne aux techniques d’usage
graduel de la force… Un beau programme qui prend encore plus de relief
quand on sait que la destination précise de cette mission n’était autre
que Cajamarca.

Cette province située sur les hauts plateaux andins du nord du Pérou est
un lieu symbolique pour les défenseurs de l’environnement : depuis
plusieurs années, la population locale lutte contre le projet d’une
multinationale
péruvienne-états-unienne qui envisage d’exploiter, à Conga, tout près de
Cajamarca, une gigantesque mine d’or et de cuivre.
L’ouverture de ce méga projet minier aura des conséquences incalculables
en menaçant gravement l’écosystème hydrique de la région ainsi que l’accès
à l’eau potable de se habitants.

Symbole de la politique extractiviste à l’œuvre dans cette partie du
monde connue pour les richesses de son sous-sol, Conga est aujourd’hui
l’un des conflits social-environnementaux majeurs en Amérique latine. Et
aussi l’un des plus violents.

En juillet dernier, 5 personnes ont trouvé la mort lors d’une
manifestation et une vingtaine d’autres ont été gravement blessées par les
balles de
l’armée et la police.
Et c’est donc au beau milieu de ce conflit que l’excellence policière
française a décidé de faire étalage de sa science, en matière, rapporte la
dépêche AFP, d’utilisation «  de la force pour contrôler des
manifestations mais en respectant les droits humains fondamentaux ». Ouf,
nous voilà rassurés, c’est donc une mission humanitaire que nos pandores
ont réalisé pendant trois semaines.

Peut-être serait-il bon d’interroger d’autres opposants, ceux de
Notre-Dame-des-Landes par exemple, sur le traitement humaniste appliqué
par les 500 miliaires depuis un mois dans le bocage nantais….

Mais il y a mieux… ou pire ! Car cet alibi de l’excellence française était
précisément le même que celui employé une certaine Michèle Alliot-Marie il
y a presque deux ans, lors du soulèvement démocratique tunisien.
Souvenez-vous  : alors que la répression s’abat sur le peuple tunisien, l’ex
ministre des Affaires étrangères, droite dans ses bottes, lance à
l’Assemblée nationale que « le savoir-faire, reconnu dans le monde entier,
de nos forces de sécurité, permet de régler des situations sécuritaires de
ce type ». Et d’ajouter aussitôt que «  C’est la raison pour laquelle nous
proposons effectivement à l’Algérie et la Tunisie de permettre dans le
cadre de nos coopérations d’agir pour que le droit de manifester puisse se
faire en même temps que l’assurance de la sécurité. »

Des propos qui avaient suscité aussitôt l’ire du parti socialiste et d’un
certain Jean-Marc Ayrault alors président du groupe PS à l’Assemblée qui
déclarait, rouge de colère  : « Voilà la parole officielle du gouvernement
devant les députés (…), je trouve que c’est ignoble de dire ça à l’égard
d’un peuple qui souffre ».

Presque deux ans ont passé et les socialistes ont désormais une vision
nouvelle de la souffrance des peuples. De Notre-Dame-des-Landes à
Cajamarca, la realpolitik économique et sécuritaire à laquelle se sont
convertis Ayrault et Valls ne s’embarrasse plus de vagues considérations
sur les droits de l’homme ni sur l’environnement…

L’escapade péruvienne de nos représentants de l’excellence sécuritaire
française permet de vérifier une nouvelle fois le double langage perpétuel
de celles et ceux qui nous gouvernent.

Comment nous faire croire que la transition énergétique est une priorité
nationale quand la seule réponse à des conflits environnementaux consiste
à employer la force ou à dispenser des cours de maintien de l’ordre ?

Au Pérou comme à Notre-Dame des Landes, c’est le rêve d’un autre rapport à
la nature, à la richesse, qui se joue. Les industries extractivistes, clé
de voûte de l’économie ultra libérale dopée aux énergies fossiles l’a bien
compris et oeuvre donc, en coulisse, pour convaincre par tous les moyens
nos gouvernements de ne surtout pas enrayer la belle mécanique.

Les socialistes avaient l’occasion de faire pencher la balance de l’autre
côté, de changer de paradigme et d’aller vers une société débarrassée des
scories du 20ème siècle. Hélas, 6 mois après leur arrivée au pouvoir, de
Fillon à Ayrault et d’Alliot-Marie à Valls, il n’y a que les visages qui
changent, la politique, elle, reste la même.

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