http://www.rue89.com/rue89-eco/2012/11/01/lutte-anti-fraude-la-sncf-invente-le-challenge-entre-controleurs-236668
Lutte antifraude : la SNCF lance le « challenge » des contrôleurs
Emilie Brouze | Journaliste
Dans le Centre, ceux qui vont attraper le plus de passagers hors-la-loi
pourront gagner des cadeaux. Des contrôleurs sont outrés par « ce procédé
d’incitation aux chiffres ».
Par une affichette épinglée sur leur tableau de service, les contrôleurs
SNCF de la région Centre ont découvert lundi le nouveau « challenge »,
censé les amuser du 1er novembre au 31 décembre. Défi : la « lutte
anti-fraude » dans le TER.
L’affichage de la SNCF sur le tableau de service (DR)
Pour espérer remporter un netbook, une console de jeux, un appareil photo
numérique ou des chèques cadeaux, il faudra attraper de l’abonnement
falsifié, ferrer du voyageur hors-la-loi et faire payer de l’amende.
L’affichette précise les règles :
* 50 gagnants seront récompensés : 40 agents du service commercial
trains (ASCT),
le terme administratif pour dire contrôleur) et dix groupes de contrôle
renforcé
(GCR, les équipes dédiées au contrôle à bord) ;
* pour les agents, seront pris en compte les « meilleurs taux
d’application des
barèmes bord/contrôle » (c’est-à-dire les tarifs majorés, réglés à bord
auprès du
contrôleur) et les meilleures progressions depuis début 2012 ;
* pour les GCR, les critères retenus seront le plus grand nombre
de cartes,
billets, abonnements falsifiés ou utilisés par un tiers.
Louis (un pseudo), contrôleur basé à Orléans, a écrit à Rue89 pour
rapporter ce procédé qu’il trouve « honteux » :
« La plupart des collègues et moi-même sommes outrés par ce procédé
d’incitation aux chiffres qui peut entraîner bien des dérives dans notre
travail. »
Moins de « petites fleurs » à bord
« On n’a jamais été poussés à faire du chiffre avant », précise le
contrôleur en
contact avec Rue89. Il assure ne pas compter changer pour autant ses
pratiques. Avec
ce type de challenge, explique-t-il, le risque est de laisser de côté les
autres
missions des agents (sécurité, service commercial) au profit de plus de
contrôle.
« Il nous arrive, par exemple, de faire des tarifs guichet dans le train,
pour des
abonnés qui ont oublié de renouveler leur carte en début de mois… Avec
ce système,
il y a aura moins de “petites fleurs” à bord, ça va se durcir. »
Les contrôleurs touchent déjà un pourcentage sur les billets vendus à
bord, qui
représente environ 40 à 150 euros par mois. « Ça ne faisait pas notre
salaire, donc
ce n’était pas notre priorité. »
« Surprenant », note Louis : le challenge est lancé au moment où les
cheminots ont
plusieurs fois alerté la direction sur le manque d’effectif (« on se bat
pour être
au moins deux dans les trains, on est souvent seul ») et les agressions :
« On a des soucis de sécurité, d’incivilité, ça ne va pas s’arranger si on
nous
pousse à faire du contrôle. »