15 impacts de métal dans le corps

Résistance au Chefresne: « J’ai 15 impacts de métal dans le corps »

Voici un message parvenant d’une personne victime des interventions
policières au Chefresne… Un témoignage édifiant, qui montre à quel point
on a besoin de solidarité, de média alternatif, sans quoi effectivement,
l’Etat peut faire « ce qu’il veut »!

Derrière l’urgence, la bêtise. Retour sur le week-end de résistance du
Chefresne.

Avancer en ayant oublié sa tête c’est revenir en ayant perdu un bras.

Laisser place à la fragilité ou tout détruire.

Je me suis fait tirée dessus par un flic. J’ai 15 impacts de métal
dans le corps et ils y resteront ; la jambe, l’os du genoux, le vagin,
le sein, le bras.

Le nerf de mon bras droit a été sectionné, on a du opérer. Dans un an
peut être je retrouverai ses capacités.

J’écris pour qu’ »on » ne puisse pas dire qu »on » ne savait pas. Qui
veut savoir sait.

J’écris pour qu’on arrête de nous censurer, frapper, enfermer, tuer
derrière une soit disant démocratie et un soit disant état de droit.
J’écris parce que je n’en peux plus qu’on renvoie les violences aux
pays lointains et pauvres en se décharge lâchement des questions
révolutionnaires qui se posent en tunisie, en lybie, en Egypte, en
Syrie … disant qu’en France c’est pas la même, qu’en France c’est
différent, et même pire…

Ecrire parce qu »à 20ans j’ai subie, vu et entendu trop de violences
policières derrière des vitrines de mensonges et de propagande
marchande. Écrire parce qu’il m’est insupportable de sentir cette
boule d’angoisse dans mon ventre quand je croise un flic, et ce
brouillard de solitude et d’impuissance face au système policier.

Écrire faute hurler que ça ne peut plus durer, et de prendre acte.
Ecrire parce que la liberté dans la civilisation occidentale est un
mensonges meurtrier. Ecrire parce qu’il y a trop de silences et de
mensonges sur la répression, sur nos luttes, sur les dangers du
nucléaire, entre autre, sur la violence du système.

Cette fois-ci, ça s’est passé au Chefresne, une commune qui résiste à
l’implantation d’une ligne très haute tension de 170 km de long (cette
ligne participe à la création d’un gigantesque réseau de circulation
d’information mondial, avec non seulement vente d’électricité mais
aussi contrôle des populations et automatisation de leurs échanges
avec
l’administration centrale. Le courant électrique sera produit par des
éoliennes en mer du Nord, par des centrales nucléaires comme l’EPR de
Flamanville, mais aussi mécaniquement par les trois réacteurs de
Tricastin qui sont maintenant libérés de l’alimentation électrique de
l’usine Eurodif qui a fermée ; http://antitht.noblogs.org/255).

Mais je porte en mois bien des blessés, bien des morts, bien des non
dits, pas qu’en France, pas qu’ailleurs . Je porte en moi des prisons
pleines et je sais les impunités à répétions
pour les bourreaux légitimes.

Amin Bentounsi a été assasiné le 21 avril par balle, dans le dos, et
suite à ça des policiers manifestent armés, en uniforme, revendiquant
le droit de tuer en prevention.
Depuis leur mise en services le flash ball, les grenades
assourdissantes et celles de desenclerment ont fait beaucoup de
blessés, des oeils perdus, des plaies, des handicaps, des morts;
personne n’a gagné devant la justice.

Je sais des villes de plus en plus sécuritaires, un arsenal juridique
de plus en plus liberticide, le perfectionnement du contrôle de la
population en meme temps que celui des frontières. J’écris parce que
j’en ai marre qu’on me demmande si « ça va ». A ceux à qui j’ai dit «
oui », la politesse ou l’habitude. bref.

Nous nous sommes fait tirés dessus sous des pylones THT qui pullulent
dans la campagne, dans un désastre mondial qui menace de péter à tout
moment et dans lequel on nous voudraient civilisé, passif. Nous, à
force, dépossédés de presque tout; de notre histoire, de son sens, du
langage, de l’information, de nos corps, de nos désirs, de notre
temps, de nos vies.

Alors qu’on nous voudraient inoffensifs, craintifs, non violents, je
ne veux pas qu’on me parle comme à « la malade », qu’on m’infantilise,
qu’on me plaigne. J’ai besoin qu’on prenne soin des uns des autres,
pour durer, j’ai besoin qu’on riposte aussi. J’ai besoin, pour guérir,
d’un système sans flics, sans pouvoir.

Oui, tenons compte des dégâts d’un fragment de guerre sociale
explicite, de son lot de douleurs et de violence, mais n’abandonne
pas, organisons nous. Ce qui ne tue pas rend plus fort parait-il, à
condition de ne pas se mentir.

Vous voulez des détails? Les mass-médias sont venus dans ma chambre
d’hôpital avant l’opération. Un médecin généraliste, présent sur le
camps, avait témoigné des violences policières et de l’utilisation
d’armes de guerre ( grenades de Dé-encerclement, grenade
assourdissantes, gaz lacrymogène, matraque…) laissant de nombreux
blessés.

Il avait été formidable sur le camps mais là il arrivait géné ; les
mouches à merde du pouvoir, autrement dit les journalistes, voulaient
filmer les impacts de métal dans les corps pour diffuser le
témoignage. Pas d’image, pas de parole, c’était leur chantage. Ils
restèrent une heure dans la chambre, tentant de se défendre de la
bassesse de leur journaux (voir les revues de presse sur :
http://www.percysoustension.fr)et de leur démarche. En voyant, sans
surprise, ce qui en sort, un rectificatif s’impose.

L’avancée des travaux de la ligne rend plus qu’urgente et nécessaire
une résistance concrète et de terminée sur les infrastructures. « Il
est maintenant évident et nécessaire, vu ce que nous imposent les
pylônes dressés sur nos terres, que beaucoup de personnes sentent
l’envie en eux d’agir directement contre ce maillon faible de
l’industrie nucléaire vu l’inacceptable répression des opposants, les
droits fondamentaux des personnes bafoués, les humiliations qu’inflige
RTE à la population. » (extrait de l’appel tous au chefrenes, wk de
resistance; http://www.stop-tht.org/)

Ces lignes participent à la dépossession de nos vies et s’imposent
avec la même arrogance et le même fascisme que l’aéroport à Notre Dame
des Lande, le tgv entre Lyon et Turin, la centrale à gaz au Finistère,
les éco-quartiers dans nos villes gentrifiées ou encore que les
prisons à visages humains, belle image de l’hypocrisie du merdier
actuel. Alors d’où vient la violence?

On le sait et on peut s’en indigner après coups, mais il est important
de le rappeller : les appels publiques de rencontres ou d’action
entrainent inévitablement un énorme déploiement du dispositif
policier: Occupation policière et militaire du territoire, contrôle et
fouilles de ceux qui y passent, surveillance (hélicoptères, dispositif
d’écoute), renforts entrainés au terrain ( dans le cas du Chefresne,
la spig, les garde mobile de blain, entrainé sur la lutte de notre
dame des landes). ILs étaient plus de 500 armés sous les pressions
d’une préfecture traumatisée par Valognes (ou la perte de la maitrise
d’un territoire.) Leur volonté semble clair : casser le mouvement,
faire mal, physiquement et moralement.

Alors que les mass-media construisent méticuleusement la figure du
dangereux radical qui veut en finir (avec on ne sait quoi) et qui
vient de loin pour ça ( figure menaçante et complètement dépolitisée),
ils passent sous silence les luttes et la répression croissante
qu’elles subissent. Un territoire qui résiste est souvent occupé
militairement, comme on le voit au Chefresne, à Notre Dame des Landes
ou encore au Val de Suse; Sur fond d’expropriation, d’expulsions se
déroulent quotidiennement les pressions psychologiques, financières,
judiciaires et policières. Derrière la soit disant liberté de penser:
l’interdiction d’agir. On nous tanne d’être non violent sous une
violence croissante.

Le 24 juin, une manifestation est partie vers le château d’eau, lieu
de rencontres et de résistances, expulsé le mercredi 20 juin. Un autre
cortège, dont je faisait partie, est allé en direction des pylônes
(deux debout et un encore au sol). Il est difficile de dire s’il faut
définitivement abandonner toute action de masse annoncée, si c’était
un casse pipe d’aller à ce qui ne serait qu’affrontement anticipé par
des flics mieux équipés, de se dire que la peur l’envie d’annuler
était présente la veille et le matin et qu’elle était peut être
sagesse.

Il semble important de questionner nos mode de prise de décision dans
des moments d’urgence et de « spectacle » comme celui-ci. « La marche
pour l’honneur » mentionné dans un retour (lien ci dessus) laisse un
triste arrière gout de ces armées de déja-vaincus avançant vers leur
perte. Être transversales, imprévisibles, inattendus pour ne pas
devoir devenir force militaire… Un ami me dit après coup  » cette fois
encore on est pas passé loin de la mort, un d’entre nous aurait pu y
rester ».

Dans la campagne grise de gaz nous n’avions pas le rapport de force ou
l’intelligence nécessaire pour ne pas se faire repousser assez
rapidement et violemment vers le camp. On entendait des détonations,
des cris et sur la dernière charge les regards que je croisais étaient
effrayés ou souffrants.

Les lignes de flics, en entendant « il y a des blessés, du calme » se
sont mis a charger en gueulant et tirant. Après avoir eu l’impression
de bruler, j’ai eu celle de perde mon bras, puis la peur qu’ils nous
tirent dans le dos ou qu’ils arrêtent. Quelqu’un m’a saisit et m’a
sortie de là.

A ceux qui disent que la guerre est finie, je leur dis qu’elle est
latente, cachée, mais qu’on peut compter nos morts, pour ne pas les
oublier. Un opposant est passé il y a quelque années sous un train
castor qu’il a voulu bloquer en s’enchainant sur la voie. D’autres y
ont laissé leur tendons, brulé par la disque use des flics qui
voulaient les enlever,
d’autres … la liste est incomplète. Combien de morts par le nucléaire,
de Hiroshima à Fukushima en passant par ceux qu’on cache chez nous,
combien de tonnes de déchets qui s’entassent, combien d’irradiés, et
combien de faux débats démocratiques?

Là, c’était une tente médic pleine de blessés. Tristement mais
efficacement les gestes et les réflexes se mettent en place : soigner
dans l’urgence, maitriser sa douleur et accompagner celle des autres,
évacuer malgré les barrages de polices, éviter celui qui bloquaient
l’accès à l’hopital de st Lo, attendre deseperement les pompiers
bloqués, subir la réquisition d’un de leurs véhicules pour évacuer un
policier égratigné au détriment d’une fille risquant de perdre la vue

En arrivant à l’hopital, je raconte tous ça en montrant mon corps
mutilé. On s’indigne, on s’énerve, on déplore dans le service
hospitalier pas familier des violences policière de la France de 2012.
Certains auraient voulu aller à la manifestation mais travaillaient,
certains m’ont dit en levant le poing de continuer la lutte, d’autres
n’en revenait pas, quelqu’un m’a dit « nous avons fait la guerre en
Normandie, on sait ce que c’est ».

J’ai au téléphone un responsable de l’accessibilité des soins de
l’hôpital de st Lo ( par rapport au barrage, deux fourgons et une
lignes de garde mobile sur la route-sur la voie d’accès au CHU).

Je répète, je dis que les pompiers n’arrivent pas à accéder au camp,
il me répond qu’il fait ce qu’il peut. Il ajoute surtout qu’il reçoit,
depuis le matin, des pressions de la préfecture pour avoir le nom et
la nature des lésions des blessés du Chefresne. Il m’assure que le
secret médical ne permet aucune fuite. Je lui dit de tenir face aux
pressions et je le remercie pour cela.

Je serai transférée et opérée. Je vous passe les moments où, dans
cette chambre, j’ai eu l’impression d’être en taule ou que j’ai craint
l’arrivée des flics, les moments où l’étonnement des gens me donnait
envie de leur dire mais ouvre les yeux et informe toi, l’inquiétude
pour ceux resté au camps, l’envie de parler avec tous ceux qui ont
vécu ce moment, l’envie de
dire que je n’en veux qu’aux flics, l’envie de casser la télé ou
d’occuper le plateau au moment des infos régionales…

Je sais juste qu’un moment me hante; cette heure entière où, mon bras
anesthésié dans la salle d’attente du bloc opératoire, je n’ai pu
m’empêcher et m’arrêter de pleurer. Pas que mon bras, pas que ces
éclats, pas que le stress, mais la détresse de se savoir partie
prenante d’une guerre pacifiée et dont les raisons comme les
conséquences ne resteront connus que d’un petit nombre de camarades,
noyées dans une indifférence générale.

J’ai une grosse question dans la gorge, que faire maintenant par
rapport à cette violence policière. Je sais que je n’ai rien à
attendre de cette justice de classe sinon une tribune ou une
médiatisation du problème. Et encore. Je la sais quotidienne cette
violence. Je nous sais nombreux enragés. Je nous sais un peu seuls et
démunis aussi. Déjà j’en profite pour affirmer que ce n’est pas être
violent que d’aller avec casque masque à gaz et protection en
manifestation, c’est la condition de notre survie physique. Ensuite
qu’il nous faudra être plus intelligents que la police, que leur
juges, que leur infiltrés, que leur système de contrôle.

Et pour finir que j’aimerai bien qu’on ne laisse pas faire parce que
l’on sait, car « qui ça étonne encore », les violences policières sont
entrées dans la réalité et la banalité du politique.
    Amal Bentounsi appelait à un mouvement national contre le permis de
tuer pour la police, j’appelle à une insurrection internationale
contre la police, ce qu’elle nous inflige, contre ce qu’elle défend,
contre ceux à qui elle sert. C’est facile d’écrire mais on ne sait
jamais que ça soit lu.

A bientôt

http://laterredabord.fr/

A propos mediatours

Blog d'informations sur la ville de Tours et ses environs
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