Les baleiniers : cour d’appel, cour d’écho

La Cour d’appel d’Orléans a rendu le 10 avril 2012 son jugement par
rapport aux deux militants de SOIF D’UTOPIES et aux deux de RESF 37.
Nous sommes poursuivis, depuis 2010, en raison d’une plainte du Ministre
de l’Intérieur de l’époque (Hortefeux). Nous sommes accusés d’avoir
diffamé publiquement des administrations publiques. Dans un communiqué
intitulé « Les Baleiniers », nous avions comparé certaines  pratiques
actuelles de chasse aux sans papiers avec celles utilisées sous Vichy :
transformer des enfants en appât (en utilisant, entre autres le fichier
Base-élèves) pour pouvoir expulser des familles.
La Cour d’appel confirme les décisions du Tribunal correctionnel de Tours :
relaxe de la militante de RESF 37, parce qu’elle n’a pas participé à la
rédaction du communiqué
ayant participé à la diffusion du texte incriminé l’autre militant de
RESF 37 est condamné
il en va de même pour les deux militants de SOIF D’UTOPIES
Pour avoir reconnu leur participation à la rédaction et/ou à la
diffusion du communiqué, ils sont condamnés à 500 € d’amende avec sursis
chacun, 300 € de dommages et intérêts chacun, 3000 € collectivement à
verser à la partie civile. La Cour d’appel ajoute 3000 € à payer
collectivement pour les mêmes raisons et au même destinataire qualifié
de « victime » et 120 €chacun pour frais de procédure.
Encore une fois, comme dans le délibéré du Tribunal correctionnel de
Tours, nous sommes devant un jugement uniquement à charge.
Aucune mention n’est faite du contenu des plaidoiries des deux avocates
de la défense. Les témoignages des 11 témoins sont résumés ainsi : «
Leurs témoignages relèvent plus d’une tribune politique et d’un désir
d’exprimer leur opinion, que d’un apport utile et précis aux faits
imputés, qu’ils approuvent de façon outrancière. » L’ensemble des
témoins apprécieront ! Les questions de fond posées par les militants de
SOIF D’UTOPIES n’ont visiblement pas lieu d’être dans le délibéré de la
Cour d’appel d’Orléans.
* Est-ce que des individus, des structures ont le droit de faire part
publiquement de leurs soupçons sur d’éventuelles exactions, dérives de
la part de l’administration, de la police ou de la gendarmerie ?
* Peut-on faire des comparaisons historiques afin d’analyser les
évolutions actuelles au regard de l’expérience, notamment, du régime de
Pétain ? Précisons qu’une comparaison n’est pas un amalgame. Il est hors
de question de dire que Sarkozy c’est Pétain, etc. Comparer c’est
prendre en compte l’expérience historique que nous apporte, en
l’occurrence la période de Vichy, afin d’interroger notre passé pour
agir sur le présent et tenter d’envisager différents avenirs. Faire des
comparaisons et alerter est plus que nécessaire. Que le ministre ne soit
pas d’accord avec ce type de comparaisons, c’est son opinion. Mais
peut-il tenter d’en censurer d’autres, différentes de la sienne ?
* Est-ce que la justice va entériner le traitement inégalitaire de
l’Etat suivant qu’on soit notable ou manant ?
* N’est-il pas normal, souhaitable de s’insurger contre la politique
raciste et xénophobe de l’Etat ? Par exemple, comment qualifier la
décision du ministère de l’intérieur ordonnant, à travers la circulaire
du 5 août 2010, la chasse aux Rroms ? Comment se fait-il qu’aucun
fonctionnaire (de l’administration, de la police et de la gendarmerie)
n’ait refusé d’exécuter cet ordre illégal ?
La Cour d’appel d’Orléans fait écho au Tribunal correctionnel de Tours !
Ni l’une, ni l’autre ne veulent répondre aux questions de fonds qui ont
été soulevées lors de chacune des audiences. Elles ont duré pour celle
d’Orléans 6 h et celle de Tours 8 h. On se demande toujours, au regard
des deux délibérés ce qui s’est passé et dit pendant toutes ces heures !
La Justice ne veut pas se prononcer sur le fond car elle n’assume pas le
caractère politique de ce procès ; l’assumer signifierait qu’elle relaxe
les prévenus puisque c’est un débat de choix de société dont il s’agit.
Officiellement, les tribunaux ne peuvent trancher ces questions.
Comme le Tribunal correctionnel de Tours la Cour d’appel remet en cause
les droits de la défense. « Compte tenu de la longueur et des
difficultés [lesquelles?] soulevées tout au long de cette procédure, il
apparaît équitable d’accorder à la victime une somme de 3000 € pour les
frais irrépétibles* engagés en cause d’appel. » Le Tribunal
correctionnel de Tours avait été plus clair dans sa formulation. « Il
apparaît inéquitable de laisser à la charge de la victime, les sommes
exposées par elle et non comprises dans les frais et dépens ; à ce
titre, il lui sera alloué 3000 €, au regard de la longueur des débats
consécutives aux exceptions soulevées et aux témoins cités. » (souligné
par nous)
Si il y a eu des difficultés, elles en sont pas dues aux 4 prévenus,
mais de la responsabilité du Tribunal correctionnel de Tours. Il a
reporté 3 fois le procès. A chaque fois les témoins se sont déplacés,
pour certains, de Lyon, de Paris… de même pour les avocats et les
prévenus. Si il est aisé pour des magistrats de se rendre sur leur lieu
de travail, il n’en va pas de même pour des personnes qui sont obligées
de justifier leurs absences auprès de leur employeur, de payer les frais
de transport… !
Ce procès est politique, tant mieux ! La relaxe des quatre prévenus de
Tours permettra à ce que des personnes ou des structures puissent
dénoncer publiquement les exactions de l’administration, de la police et
de la gendarmerie ; que des comparaisons historiquement, même
dérangeantes pour les tenants du pouvoir, puissent être faites ; qu’il
est inacceptable que l’Etat nous traite différemment selon qu’on soit
notable ou manant. A travers notre relaxe, c’est aussi affirmer qu’ « on
a raison de se révolter » ! Qu’on ne peut accepter que l’Etat enferme,
expulse, détruise sous prétexte qu’on ne soit pas né au bon endroit,
qu’on se mobilise pour exiger un partage égalitaire des richesses, qu’on
soit libre de vivre avec qui l’on veut et comme on veut, qu’on puisse
habiter où l’on veut dans les formes qu’on veut. La répression ne nous
empêchera jamais de réfléchir à d’autres choix de société et de
commencer à les vivre dès maintenant !
Nous n’accepterons aucune condamnation. Nous irons devant la Cour de
Cassation et si besoin devant la Cour Européenne Des droits de l’Homme
pour faire condamner l’Etat. Notre objectif est de contribuer à
constituer une jurisprudence en la matière.
Fondamentalement, si l’on ne veut plus que ce genre de procès ait lieu,
si l’on ne veut plus voir des militants, des personnes trainés devant
des tribunaux parce qu’ils dénoncent des exactions de la police, de la
gendarmerie ou de l’administration (qui ne sont pas des bavures, mais
inhérentes à la xénophobie d’Etat, voire au racisme de celui-ci), cela
passe avant tout par la régularisation de tous les sans papiers,
l’ouverture des frontières, la liberté de circulation et d’installation,
la fermeture et la destruction des camps de rétention. Sinon, l’Etat
continuera d’organiser la chasse aux sans papiers, générant les drames
humains que nous connaissons tous les jours, les dérives policières et
administratives. Le régime de Vichy est de ce point de vue riche
d’enseignements. Il faudra bien se confronter à une question
fondamentale. Comment se fait-il que la passage de la Troisième
république au régime de Vichy se fasse sans heurt au sein de
l’administration, de la police et de la gendarmerie ? La politique
xénophobe, raciste des années 30 n’a-telle pas contribué à faciliter
ledit passage?
Dans le contexte de la campagne électorale, il est plus qu’urgent de
s’insurger contre le racisme d’Etat. C’est intolérable t’entendre le
président de la république qualifier les militaires tués à Toulouse et
Montauban de « Français d’apparence musulmane » ! Les fameux « Français
de souche » sont-ils d’apparence chrétienne ?
(*Les frais irrépétibles comprennent, notamment, les droits de timbre,
d’envoi postaux, de reprographie ou d’avocat.
Dans la pratique moderne, le mot « irrépétible » est devenu trompeur,
puisqu’il arrive régulièrement que les juges condamnent le perdant à
rembourser les frais dits « irrépétibles », en plus des dépens.
Pour cette raison, l’emploi de ce mot ancien est déconseillé dans les
actes écrits, et il n’apparaît plus que dans les travaux,les recherches
internes des professions de justice ou les décisions de justice. In
Wiktionnaire)

RELAXE DES TROIS PREVENUS DE TOURS
LIBERTE D’EXPRESSION
NON A LA CENSURE D’ETAT
DES PAPIERS POUR TOUS
Tours, le 12/04/2012
Jean Christophe Berrier, Muriel El Kolli
deux des quatre prévenus de Tours
membre de SOIF D’UTOPIES
06 20 91 20 44
soifdutopies@yahoo.fr

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